Comprendre : la réduction de bruit active

Il n'y a sans doute pas meilleur endroit qu'une salle de concert ou un studio pour écouter un artiste jouer. Convenez que ce n'est pas toujours pratique et qu'une écoute au casque permet bien souvent de profiter de ses morceaux préférés où que l'on soit. Reste que l'on est alors dépendant des bruits ambiants, tels les klaxons de voitures, les boggies de métro qui grincent, les cris d'enfants et autres joyeusetés. Pourtant, des solutions existent pour contrer la pollution sonore.

L'isolation passive : concept simple, mise en œuvre complexe

Isoler passivement, sans aucun mécanisme actif, ce n'est pas très compliqué, du moins en théorie. Il suffit d'utiliser un matériau résistant, épais, de préférence dense et que l'on dispose entre la source du bruit et l'auditeur pour isoler ce dernier. Et si ce n'est pas assez, il suffit d'en rajouter. C'est la fonction des oreillettes en mousse d'un casque fermé — en plus du confort.

Oui, mais voilà : plus on veut une isolation importante, plus il faut ajouter d'épaisseur d'isolant, ou alors alterner des couches de différents matériaux selon de savants mélanges pour concevoir un sandwich d'isolation, dont chaque épaisseur joue un rôle différent. Et l'épaisseur continue à grandir. Pour notre studio d'enregistrement ou notre salle de concert du début d'article, pas de problème : il y a de l'espace pour placer l'isolant ! Sur un casque, en revanche, l'espace est confiné et le produit final ne doit pas être trop gros, trop lourd, trop moche.

Résultat, en isolation passive et malgré les progrès récents depuis l'explosion des casques nomades (les mousses à mémoire de forme notamment, qui assurent une meilleure étanchéité du pavillon de l'oreille), il est rare de dépasser les 20 dB d'atténuation, en particulier sur les sons graves et médiums. Les écouteurs intra-auriculaires ont apporté un gain considérable à l'isolation passive. Directement logés dans le conduit auditif, l'obstruction est plus simple à obtenir et plus performante. Résultat, avec des embouts en silicone ou des mousses, il est possible de dépasser les 26 dB d'atténuation. C'est déjà quatre fois mieux que l'atténuation des casques !

Mais pour progresser encore dans cette quête de silence absolu, difficile d'aller plus loin sans transformer le casque nomade en casque antibruit de chantier. Le recours à une technologie active devient obligatoire.

Vers l'infini et au-delà !

Deuxième moitié du XXe siècle, en pleine Guerre froide, la conquête spatiale devient une priorité pour les États-Unis. Après le succès du programme Apollo, la Nasa se lance dans le développement d'une navette spatiale permettant des voyages et interventions régulières dans l'espace proche.

Alors que le projet est sur le point d'aboutir, un problème inattendu, mais de taille, apparaît : le bruit généré à l'intérieur de la cabine est absolument énorme. Rien n'y fait, pas même les meilleurs casques anti-bruit de l'époque. Si l'équipage venait à subir les nuisances sonores de l'engin, il y laisserait ses oreilles rapidement. Impossible de poursuivre dans ces conditions.

Une marque déjà bien installée dans le secteur audio professionnel, Bose, va alors œuvrer au développement d'un casque anti-bruit, orienté vers la technologie active. Comble du bonheur, le principe n'est pas bien compliqué à appliquer et tient dans un petit volume.

Comment ça fonctionne ?

Comme en maths ! On se souvient (pour la plupart d'entre nous) de la découverte des nombres négatifs : 1+(-1) = 0. Voilà, la réduction de bruit active est inventée !

Petit rappel, de physique cette fois : le son est une onde qui se transmet grâce à l'élasticité du milieu dans lequel elle se propage (de l'air, le plus souvent) sous forme d'ondes longitudinales. En fait, entre la source sonore et notre oreille, un son se déplace sous forme de variations de pression plus ou moins importantes, localisées de zones proches en zones proches. À la manière des ondes que l'on voit se déployer sur l'eau après avoir jeté un caillou.

Si l'on est capable d'émettre simultanément l'exacte opposée de l'onde que l'on souhaite supprimer, la somme des deux sera nulle : 1+(-1) = 0.

Le casque antibruit actif est donc assez simple à fabriquer. On positionne un micro qui capte les bruits extérieurs au ras de la coque externe des oreillettes (un de chaque côté du casque). Un petit circuit électronique se charge de “renverser”, puis de l'envoyer aux oreilles du porteur du casque. Cette onde opposée va rencontrer l'onde originelle du bruit, et les deux vont s'annuler.

Y’a-t-il un impact sur la qualité sonore ?

Dans le cas des casques audio à réduction de bruit contemporains, l'onde sonore opposée au bruit est simplement ajoutée au son de la musique que l'on écoute. Elle annule ce bruit et l'auditeur n'entend plus que la musique. De fait, il est légitime de se poser la question d’une potentielle détérioration de la qualité sonore lorsque la réduction de bruit est enclenchée.

L’introduction d’ondes sonores tierces impacte forcément le rendu sonore de la musique puisque les haut-parleurs doivent produire des vibrations supplémentaires pour retranscrire lesdites ondes. Toutefois, les algorithmes de traitements sonores et l’électronique embarquée sont là pour contrebalancer ces potentielles altérations. C’est pourquoi les modèles les plus haut de gamme s’en sortent bien mieux, notamment au niveau des médiums auxquels notre oreille humaine est particulièrement sensible.

Aujourd'hui et demain

La génération actuelle de casques à réduction de bruit active est de loin plus performante que ses ancêtres. Le temps passant, la technologie s'est affinée. Le nombre de micros a augmenté (les plus récentes références intègrent jusqu'à quatre micros par oreillette) et les processeurs de calcul ont gagné en performance. En effet, le moindre décalage de la synchronisation entre le bruit extérieur et l'onde d'atténuation réduira à néant les tentatives d'atténuation du bruit. Pire, il générera du bruit supplémentaire !

De nombreuses références de casques et d’écouteurs disposent maintenant de profils : selon que l'on cherche à être au calme dans un lieu déjà paisible, en pleine rue ou au bureau — chaque environnement ayant un profil de bruit différent —, le casque adopte des masquages adaptés au lieu d'écoute. Un progrès sensible qui permet de faire supporter la réduction de bruit active même à des utilisateurs jusqu'à présent dérangés par la sensation physique que ces casques produisent. En effet, la réduction de bruit peut provoquer chez certaines personnes des sensations de pression désagréables.

Autrement, certains casques et écouteurs sont dotés d’une technologie de réduction de bruit active dite hybride, basée sur des micros placés à l'extérieur et à l’intérieur de l’oreillette. Les micros internes servent alors à vérifier si les bruits extérieurs sont convenablement atténués. Vous l’aurez compris, cette technologie demande une grande puissance de calcul puisque les différents micros doivent d’agir de concert pour proposer les meilleures performances.

Les casques plus performants se distinguent également du reste du marché par leur capacité à mieux traiter les bruits soudains, ou non statiques, comme la fermeture brutale d’une porte ou les discussions à proximité. Mais aucun n’arrive à parfaitement annuler ce type de son. De plus, les différents algorithmes de réduction de bruit active ont bien du mal à atténuer les fréquences les plus hautes. C’est à ce moment qu’entre en jeu l’isolation passive, qui reste la meilleure solution pour assourdir les composantes aiguës des bruits environnants.